3 choses que la crise sanitaire a changé dans l’univers RH

Si l’épidémie de Covid-19 a fortement impacté le fonctionnement des entreprises et redessiné leur organisation, elle a aussi mis en avant le rôle des ressources humaines, qui se sont révélées en première ligne pour gérer la crise, sécuriser les bureaux, encadrer le personnel en télétravail et maintenir l’activité. Et pour ces professionnels, qui mettent l’humain au centre de leurs priorités, rien ne sera plus jamais comme avant.

Du jour au lendemain, ils sont devenus les maitres d’œuvre d’un immense chantier sorti de terre en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Alors que, partout sur la planète, le confinement plus ou moins total apparaissait comme le seul barrage possible à l’extension de l’épidémie de Covid, la nécessité de réorganiser le travail pour maintenir l’activité économique s’est imposée comme une évidence. Mettre en place les mesures de distanciation et les gestes barrières dans les bureaux, assurer la sécurité des équipes de production contraintes, de par la nature de leur activité, à officier en présentiel, fournir le matériel et les outils numériques essentiels aux équipes en télétravail, assurer leur formation sur ces outils, mettre en place les mesures de chômage partiel tout en continuant à assurer le quotidien de l’entreprise… Tout cela en étant eux-mêmes le plus souvent hors de leur bureau : les ressources humaines ont été les artisans de la poursuite de l’activité en faisant preuve d’agilité et d’esprit d’innovation dans un cadre jusque-là inédit et lors d’une période plus qu’intense.

 La crise comme catalyseur

Alors que les questions de flexibilité du travail, d’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, de responsabilité sociale des entreprises, de durabilité était déjà bel et bien dans l’air du temps, la crise sanitaire a, pour beaucoup, joué un rôle d’accélérateur en redéfinissant les priorités et les aspirations des collaborateurs. Le télétravail, souvent vu (et voulu) comme une exception, s’est imposé comme une solution efficace malgré les doutes et les réserves qu’il inspirait. Les trajets quotidiens obligatoires pour rejoindre son lieu de travail, aussi polluants que chronophages, ne sont plus un passage obligé. Le bureau n’est plus considéré comme le centre névralgique de l’entreprise. Au-delà, certains profils de collaborateurs se sont révélés, tandis que la manière de manager s’est considérablement modifiée. Grâce à des soft skills qui ont fait la différence, des profils inattendus se sont révélés, obligeant ressources humaines et managers à repenser tout un fonctionnement.

Pour Jean-Noel Chaintreuil, directeur de Change Factory, un laboratoire d’acculturation et d’accompagnement au changement, interrogé par le site QRP Developping Professionals: «C’est l’intégralité du travail à distance et de la structuration de l’entreprise qui peuvent être discutées, ainsi que la valeur des fonctions. Qu’est-ce qui est vraiment important, qu’est-ce qu’on a négligé, qu’est-ce qu’on n’a pas négligé, est-ce que tout est documenté, est-ce que tout est très clair pour les nouveaux arrivants.»

 Une gestion plus humaine

C’est durant le début de l’épidémie en avril 2020 que le magazine Question(s) de management a entrepris de mener une grande enquête auprès de 155 enseignants-chercheurs, experts, consultants, dirigeants d’entreprise, DRH, responsables opérationnels et fonctionnels, dans 16 pays répartis sur les 5 continents. Le but? Récolter des informations sur les répercussions durables de la crise sanitaire quant aux méthodes de management. Et, selon le magazine, la tendance est claire: «La crise a revalorisé le rôle de la proximité et engagé les organisations à une plus grande humanisation de la gestion, avec de nouvelles formes d’organisation du travail et de vie au travail, et à une raison d’être et un modèle économique plus soucieux de la nature, du genre et de l’équité sociale pour répondre au renforcement de plusieurs grandes tendances sociétales.»

Fondamentalement, il y a un avant et un après au niveau de trois grandes thématiques de l’entreprise: l’organisation, la digitalisation et le leadership.

L’organisation

Le télétravail, qui a séduit nombre de collaborateurs, s’impose comme une révolution durable. En effet, selon l’Office Fédéral de la Statistique, une personne active sur deux en a fait l’expérience depuis le début de la crise sanitaire. Et nombre d’enquêtes montrent que cette pratique va s’imposer dans de nombreuses entreprises. Selon le cabinet Deloitte, si la majorité des employés souhaite reprendre le chemin du travail, 62% d’entre eux expriment le souhait de continuer à travailler en partie chez eux. Une réorganisation qui n’est pas sans conséquences sur les règlements, les assurances sociales et la fiscalité. Autant d’aspects que vont devoir gérer les RH, à travers, par exemple, la mise en place de conventions à même d’instaurer un cadre assez strict, comme le proposent désormais de nombreuses organisations économiques romandes.

En conséquence, les espaces de travail et leur occupation doivent être aussi repensés pour faciliter et fluidifier des modes de travail hybrides, sonnant ainsi le glas du bureau ou du siège social à l’ancienne.

Dans ce cadre, RH et managers, au plus près des équipes, se doivent de repenser leur rôle et d’être attentifs à la manière dont les collaborateurs vivent cette nouvelle donne, en accompagnant ceux à qui elle peut poser des difficultés.

Selon Alistair Cox, CEO du géant du recrutement Hays qui s’exprime dans une chronique sur le site de l’entreprise: «Les dirigeants ont une occasion sans précédent de repenser les postes et les fonctions en réorganisant le travail et en faisant en sorte que les employés assument des responsabilités différentes pour mieux répondre aux besoins évolutifs de leurs organisations, de leurs clients et de leurs employés.»

La numérisation

Faciliter l’accès aux informations via le Cloud, fournir à tous le matériel nécessaire (ordinateur portable, smartphone d’entreprise…) pour être opérationnel en toutes circonstances, définir des environnements numériques pour maintenir la fluidité des échanges et de la communication… Les entreprises suisses, et notamment les PME, ont vu leur processus de digitalisation s’accélérer pendant la crise. Effet positif de cette explosion, l’opinion de la population suisse sur les avancées technologiques dans le domaine des entreprises est beaucoup plus positive, comme le prouve une étude intitulée Switzerland’s Digital DNA et menée par Oliver Wyman dans le cadre des Journées suisses du digital.

Face à ce qui peut être perçu comme un nouveau défi, RH et managers ont un rôle à jouer pour identifier les besoins, proposer et encadrer des formations et œuvrer pour une sécurisation optimale de ces outils pour ne pas exposer l’entreprise à des failles de cyber sécurité.

Le leadership

Interrogée par le magazine Le Temps dans le cadre d’un article sur le leadership en temps de Covid, Françoise Christ, consultante en entreprise en Suisse romande, ne doute pas que la crise aura été un très bon révélateur dans la manière d’encadrer les équipes: «Elle montre notamment la capacité des cadres à mobiliser leurs collaborateurs. Ceux qui manquent de leadership vivent une période très difficile à distance.»

Si elle était déjà importante, la capacité à faire confiance est devenue essentielle avec le travail à distance. Cette aptitude est un skill à intégrer impérativement lors des recrutements. Elle s’accompagne de la faculté à accorder plus d’autonomie aux collaborateurs qui en éprouvent le besoin pour mieux performer.

Pour Patrick Girard, président d’Okazy Conseils, une firme de formation en gestion de projet, interrogé par le site Carrefour RH «Ce sont les entreprises qui donnent priorité à la personne, à l’équipe et à la collaboration qui pourront changer de cap rapidement, parce que dans ces organisations, on n’attend pas qu’un grand patron prenne les décisions. Le changement appartient à tout le monde. Les employés trouvent des solutions aux problèmes, parce que ce sont eux qui sont les mieux placés pour le faire. Il faut leur laisser le plus d’autonomie possible.» Du côté des RH, le recrutement des cadres doit évoluer pour intégrer la nouvelle donne, comme l’explique  Stéphane Haefliger, spécialiste RH, dans un article paru sur PME.ch  «De nouvelles compétences sont donc nécessaires pour mieux pérenniser les entreprises: agilité, esprit entrepreneurial/intrapreneurial, autorité partagée, soft skills et facilitation des échanges interpersonnels, penser en mode réseau ou encore gérer la complexité et donner du sens sur la vision future. Cette crise est une fantastique opportunité pour nous de nous poser les bonnes questions sur ce que nous recherchons chez nos managers.»